Entrevue avec le cinéaste Anthony Grani, réalisateur de « La danse, oui. La démence, non. »



Le cinéaste Anthony Grani a réalisé et monté La danse, oui. La démence, non., un nouveau court métrage présenté par l’École nationale de ballet du Canada. Le film La danse, oui. La démence, non. décrit les expériences extraordinaires que vivent des danseuses et danseurs atteints de démence et de leurs aidants naturels et encourage les spectateurs à réinventer leur perception de la démence et à découvrir les communautés dynamiques qui luttent contre la stigmatisation liée à la démence au moyen de la danse. Les effets de la danse sont observés du point de vue des résidents et du personnel de la Alexis Lodge Dementia Care Residence et de la Cedarhurst Dementia Care Home, ainsi que de celui d’experts en santé et en arts. Venez écouter M. Grani parler de son expérience de travail sur le projet et de la réalisation d’un film dans les deux foyers de soins. ll nous fait aussi part de moments mémorables du processus de tournage, et plus encore.

 

 

Ayant travaillé à ce film et à d’autres projets qui ont mobilisé des personnes atteintes de démence, quelles conversations espérez-vous que La danse, oui. La démence, non. suscitera?

J’espère que ce film aidera les gens à avoir un peu moins peur de la démence. Certainement moins peur d’interagir avec des personnes vivant avec la démence, et peut-être encore moins peur d’en être eux-mêmes atteints un jour. Comme le disent les personnes dans le film, la démence n’efface pas qui vous êtes en tant que personne. La démence n’est pas synonyme de mort. Les personnes atteintes de démence ont encore la capacité d’être créatives et de ressentir la joie. Et nous le voyons de nos propres yeux grâce aux gens qui dansent avec nous dans les établissements de soins pour personnes touchées par la démence. C’est le genre de choses dont j’espère que les gens parleront après ce film.

 

Pouvez-vous nous dire comment c’était de filmer à la Alexis Lodge Dementia Care Residence et à la Cedarhurst Dementia Care Home?

L’un des avantages d’être cinéaste, c’est d’avoir accès à des endroits et à des mondes qu’on ne verrait pas normalement. Quand je travaillais sur de grands films hollywoodiens, j’avais l’occasion de voir des plateaux d’enregistrement insonorisés transformés en mondes magiques, de visiter des manoirs géants et de découvrir des tunnels de métro inconnus du grand public. Ensuite, lorsque je suis passé à la production de documentaires, j’ai continué d’avoir la chance de voir des endroits que je ne verrais pas normalement et de faire des choses que je ne ferais pas normalement, mais j’ai aussi pu parler à des gens que je n’aurais pas rencontrés autrement. Et non seulement leur parler, mais leur poser des questions. Quel cadeau incroyable. Chaque film que je fais, j’apprends.

Alexis Lodge et Cedarhurst Dementia Care Home m’ont offert deux nouveaux lieux où faire la connaissance de nombreuses personnes intéressantes qui ont des histoires à raconter. Que ce soit l’un ou l’autre des établissements, les gens étaient incroyablement gentils et accueillants avec notre petite équipe. Même si nous essayons de rester à l’écart, tourner est toujours intrusif, et le personnel et les résidents étaient systématiquement compréhensifs et serviables. Il était réconfortant de voir à quel point le personnel se souciait et prenait soin des résidents, et vice versa. Les cours de danse du matin donnés par Megan, Ashleigh et Cherise étaient toujours le point culminant de la journée. Tout le monde s’amusait tellement. C’était évident à voir. L’après-midi était dédié aux entrevues et j’ai eu l’occasion d’en apprendre beaucoup sur les résidents et sur ceux qui prennent soin d’eux. Chaque soir, après avoir fini ma journée, je me sentais inspiré. Inspiré par les personnes auxquelles j’avais parlé et par les histoires qu’elles m’avaient racontées. C’est toujours un immense privilège lorsqu’une personne vous laisse entrer dans sa vie et vous offre son temps et son énergie. C’est encore plus vrai lorsqu’elle vous laisse entrer chez elle. Je ne prends jamais ce privilège à la légère et je dois remercier Alexis Lodge et Cedarhurst de nous avoir accueillis à bras ouverts.

 

 

Pouvez-vous nous dire ce qui vous a inspiré à lancer votre société cinématographique sans but lucratif, Reciprocity Media Collective, et en quoi a consisté votre expérience de création de médias pour d’autres organismes sans but lucratif et de bienfaisance?

J’ai toujours essayé de redonner aux autres et d’aider lorsque je le pouvais. Cela prend souvent la forme d’une aide à la création de contenu pour des personnes ou des organisations qui essaient de faire du bien dans le monde et qui n’ont pas les compétences ou les ressources pour le faire elles-mêmes. Pendant des années, j’ai fait du bénévolat ici et là le temps d’une journée lorsque j’avais du temps entre deux projets, et j’adorais le faire parce qu’aider procurait une sensation géniale. Puis, un jour, alors que je venais tout juste d’aider un organisme de bienfaisance local à créer une campagne vidéo, j’ai commencé à réfléchir à la façon dont je pouvais en faire mon activité principale plutôt que l’activité que je casais entre deux projets quelques jours par année. Et Reciprocity Media Collective est né.

Presque dès le début, les demandes de nos services ont commencé à affluer, et j’ai eu la chance extraordinaire de créer des projets pour l’Université York, l’Université de Waterloo, le Réseau universitaire de santé, le Toronto Rehab Institute, la Société Alzheimer du Canada, Partenariats dans l’alliance des soins aux personnes atteintes de démence, Instituts de recherche en santé du Canada, The LivingRoom Community Art Studio, The Durham Rape Crisis Centre, Possible Arts et The Dotsa Bitove Wellness Academy, et maintenant, bien sûr, l’École nationale de ballet du Canada!

Mais le plus intéressant dans tout cela, c’est que tous ces projets visent un objectif qui va au-delà du simple divertissement. Ne vous méprenez pas, ils sont tout de même divertissants, je l’espère, mais ils visent plus loin. On parle de projets qui éduquent, qui éclairent et qui visent à provoquer des changements positifs.

Faire des films, c’est génial. Faire des films qui font bouger les lignes, c’est encore mieux.

 

Vous avez travaillé sur d’autres courts métrages et documentaires par le passé. Y avait-il quelque chose d’unique dans la création de La danse, oui. La démence, non. qui vous a frappé?

Travailler avec des personnes touchées par la démence est toujours une expérience unique. En tant que cinéaste, avant même de se mettre à filmer, il est toujours important de planifier, de planifier et de planifier davantage. Même dans le cas des documentaires, il est important de se lancer en ayant une perspective et une structure de ce que vous devez obtenir, de comment et quand vous espérez l’obtenir. Il faut parfois même une sorte de script imprécis. Si je réalise un documentaire historique, je trouve un historien pour que l’on puisse parler d’un sujet précis. J’effectue mes recherches, je rédige mes questions et je sais en général ce que l’historien va dire et comment cela va s’intégrer au film avant même que je le rencontre en personne. Mais lorsque vous travaillez avec des personnes qui vivent avec la démence, tout cela disparaît par la fenêtre de la façon la plus merveilleuse qui soit. Tout est plus libre et plus ancré dans le moment. Ce contexte permet d’apporter constamment une certaine fraîcheur aux choses et les journées de tournage sont beaucoup plus passionnantes. Si je veux parler de danse avec une personne touchée par la démence, elle voudra peut-être parler de danse, mais elle voudra peut-être aussi parler de basketball, d’un animal de compagnie qu’elle avait pendant son enfance ou de la conception de panneaux de commande industriels. Nous parlons donc simplement de tout ce dont elle a envie de parler. Et parfois j’obtiens des éléments que je peux exploiter dans le film, et parfois j’ai juste une agréable conversation avec une personne intéressante. Quoi qu’il en soit, c’est une victoire pour moi.

 

 

Y a-t-il une partie du film qui vous a vraiment interpellé?

Le message général d’acceptation et de reconnaissance selon lequel les personnes atteintes de démence ont le même désir et la même capacité de tisser des liens et de créer que n’importe qui d’autre me touche certainement. Il est d’une importance vitale et toujours bon de se faire rappeler d’imaginer les gens de façon complexe et de ne pas simplement les réduire à un diagnostic. C’est donc un message que je suis toujours heureux de transmettre et de recevoir. Mais la partie du film que je préfère est l’entrevue que j’ai eue avec l’une des danseuses, Illuminada, en particulier lorsqu’elle explique que lorsqu’elle peut réaliser la chorégraphie comme les autres, elle se sent comme eux et perd son complexe d’infériorité. Et cela rejoint parfaitement ce que j’ai dit plus haut. Elle ressent la même chose que tout le monde. Et peu importe le genre de difficultés qu’elle peut rencontrer avec la perte de mémoire et tout ce qui l’accompagne, elle est comme tout le monde. Tout de suite après, j’ajoute un magnifique plan d’elle dans un cours de danse, et un beau sourire transparaît. C’est très subtil, parce que c’est quelqu’un qui ne s’exprimait pas beaucoup pendant les cours. Mais après avoir passé du temps à la Alexis Lodge pendant de nombreux jours et après avoir suivi des cours, j’ai appris à connaître tout le monde un peu et pour moi, ce sourire vaut de l’or. Et je dois dire que même si j’ai vu ce moment facilement plus d’une centaine de fois à l’étape du montage, j’éclate encore un peu en sanglots chaque fois que je le vois.

 

Aviez-vous des idées préconçues au sujet des personnes vivant avec la démence et, le cas échéant, ont-elles évolué après le tournage?

J’ai eu la chance de faire quelques films sur les personnes atteintes de démence, alors je n’avais pas vraiment d’idée préconçue lorsque j’ai commencé celui-ci. Mais avant de réaliser mon premier film dans le monde de la démence, j’en avais des tonnes, toutes éclairées par la stigmatisation qui imprègne la société occidentale. Toutes sont fausses. Supposer que ces personnes sont incapables d’établir des liens avec qui que ce soit. Craindre qu’elles ne soient que des coquilles vides. Je me sens absolument épouvantable de me rappeler que je pensais autrefois de cette façon, mais avant ce premier film, je n’avais jamais (sciemment) interagi avec quiconque vivant avec la démence et j’adhérais à tous les stéréotypes culturels. Mais du côté positif, il ne m’a fallu qu’environ 5 minutes lors de ma première journée de tournage pour me rendre compte à quel point j’avais vraiment tort. Et dans les années qui ont suivi, j’ai rencontré tellement de gens merveilleux, j’ai eu des conversations incroyables, j’ai ri, j’ai pleuré, j’ai joué à des jeux, j’ai fait de l’art, j’ai joué de la musique, et maintenant, bien sûr, j’ai dansé avec eux. Je suis très reconnaissant d’avoir eu tant d’occasions d’apprendre à quel point j’avais tort. Et j’espère que ce film pourra contribuer à éliminer les préjugés liés à la démence afin qu’un plus grand nombre de personnes cessent de passer leur vie avec des idées absurdes comme moi autrefois.

 

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